Créer avec Tentacle Tribe : entre danse contemporaine et breakdance
29 janvier 2020
Au cours de leur dernière année, les Finissants de la Formation supérieure en danse contemporaine vivent une véritable incursion dans le monde professionnel pour préparer leur spectacle de fin d’études. Ils rencontrent 3 artistes créateurs, découvrent et s’approprient leur 3 univers esthétique et chorégraphique, vivent et se plongent dans 3 processus de composition en accéléré. En janvier, c’est dans l’univers du duo montréalais Tentacle Tribe qu’ils se sont immergés.
"Tentacle Tribe est né en 2012 d’une alliance créative canado-suédoise entre Emmanuelle Lê Phan et Elon Höglund. Avec Tentacle Tribe, le duo s’impose comme praticiens de techniques de danse et de mouvement variées, intervenants actifs dans le monde de la danse de rue, b-boy et b-girl, et enfin, performeurs de scène. Dans leurs créations, ils font l’expérience d’un partenariat complexe, d’une musicalité raffinée et d’une chorégraphie physique à haute dose d’énergie."1
C’est entre deux séances intensives de travail, lors de la pause dîner, que L’EDQ a rencontré Emmanuelle Lê Phan, l’une des deux artistes de Tentacle Tribe.
Comment se passe cette première semaine avec les Finissants ?
Ça se passe très bien. Ils ont dû travailler fort au début pour se familiariser avec le style du break, le vocabulaire, les techniques, etc., c’est quelque chose de complètement nouveau pour eux. Chaque matin, on commence donc avec une classe technique, il fallait qu’ils fassent ce travail-là avant d’entamer la création.
Mais ils sont super à l’écoute, ouverts, curieux, disponibles. Quand je pense à ma cohorte quand j’ai fait mes études en danse à Concordia : on était déjà très nichés dans des styles et on ne nous amenait pas à nous ouvrir à une variété d’esthétiques comme ils le font maintenant au cours de leur formation.
Qu'est-ce que tu aimerais leur transmettre au bout de ces 3 semaines de création ?
Ouf, plein de choses ! J’aimerais leur donner le plus d’informations possibles sur mon monde, celui du break, peut-être même les amener à pratiquer. Il faut amener des filles au break, il en manque !
Aussi, j’essaie de leur donner des outils et des concepts sur la façon dont je crée pour les amener vers la création, l’improvisation. Dans mon travail avec eux, je veux leur laisser de l’espace, qu’on ne soit pas juste dans la reproduction. À partir du moment où ils comprennent mon esthétique, ça devient intéressant (pour eux et pour moi) qu’ils proposent des choses. Je veux les amener à se positionner, à s’engager dans la création.
Avais-tu déjà une chorégraphie en tête avant d'entamer ce processus de création ?
D’habitude je suis super pointue et organisée, j’arrive avec une trame sonore et tout est écrit. Cette fois-ci, j’avais envie de les rencontrer d’abord. J’avais un thème en tête : les peintures surréalistes, mais c’est tout. Après, il y a un propos qui va se greffer, je vais trouver des petits personnages, des créatures pour qu’ils puissent les incarner. Tentacle Tribe en fait, c’est ça. On n’est pas dans un réalisme. On s’inspire des animaux, de leur efficacité dans le mouvement. Avec eux, tout est très organique, il n’y a aucun mouvement qui est superflu, comme dans la technique break, on est efficaces au sol. On aime aussi créer des illusions, tromper l’oeil. Donc, c’est dans cet univers-là que je les amène, les Finissants !
Quand tu penses à ta formation, qu'est-ce qui t'a le plus marquée ?
J’étais vraiment perdue à l’école, puis même après mes études. J’allais dans les clubs de break le soir et dans mes classes techniques le matin, je voyais pas comment concilier les deux. Je ne savais pas vers où aller. Je ne trouvais pas ma place.
Je me souviens d’une phrase de Victor Quijada au moment où je venais de travailler avec RUBBERBANDance (RUBBERBANDance c’était au plus proche de ce je voulais faire avec le mélange de ballet, break, hip hop) : “Bon, maintenant, tu aimerais danser pour quelle compagnie ?” Je me voyais nulle part. Alors, j’ai fait mon chemin. Celui que j’ai pris n’existait pas encore. Je l'ai inventé.
Aurais-tu pu faire autre chose que danser ?
Ahah ! J’arrive pas à imaginer ma vie sans la danse, ça a tellement été déterminant. Plus jeune, j’étais obsédée par la danse, j’avais de la drive, j’étais pleine d’ambition. J’aime toujours autant la danse, mais j’ai envie de me préserver un peu plus. Prendre un peu plus de temps de repos entre les projets.
L’EDQ tient à remercier sincèrement Emmanuelle Lê Phan pour son engagement auprès des étudiants-danseurs et pour la générosité de ses propos.
La pièce de Tentacle Tribe sera présentée dans le cadre du spectacle de fin d'études des Finissants de la Formation supérieure en danse contemporaine, les 16 et 17 mai 2020.
1 Tiré de Tentacle Tribe.